Il y a mon moi profond, l’être que je suis vraiment sous ces pelures d’oignon superposées que sont les déguisements et les conventions sociales, et qui cachent ce qu’il y a dessous, au coeur de moi-même, dans ce cercle ultime et obscur : une créature cachée, qui surgit intacte de mes souvenirs d’enfance et supporte tant bien que mal le poids de ma vie et des raisons secrètes qui l’animent.
Et il y a mon double, l’être que je ne suis pas mais que, du fait que les autres le disaient, j’ai toujours cru être : une calamité ambulante, authentique et absolue.
[...]
Mais, malgré tout, la calamité, l’hystérique, l’immature, la grosse, moi-même, n’était pas tout à fait ce que croyaient les autres.
C’est quelque chose qui arrive, je suppose, à tout le monde.
Et qui t’arrivera aussi à toi, car personne, aucun de nous ne constitue un tout objectif, catégoriquement défini, qui soit identique aux yeux de tous et dont tous puissent s’enquérir comme d’un acte de propriété ou d’un testament ; chacun est plutôt un kaléidoscope, aux formes et aux couleurs changeantes selon la personne qui le regarde et selon l’angle, quand bien même il conserve inchangés les éléments qui, ensemble, composent les dessins dont la vue divertit autrui ; ou bien un écran sur lequel nous projetons nos propres illusions, nos carences, nos déceptions, nos frustrations, et où nous reconnaissons non pas la réalité, mais ce que nous voulons voir, car la matérialité n’est qu’une surface réfléchissante.
Chacun, chacune associe à l’apparence physique d’autrui toutes les idées qu’il ou elle se fait intérieurement de lui, et ce sont ces préjugés qui, en fin de compte, occupent l’essentiel de cette apparence."
Lucia ETXEBARRIA - Un miracle en équilibre
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